Kimono: vêtement ou... objet d’art?
Le kimono a exercé une fascination bien naturelle sur beaucoup d’étrangers découvrant le Japon. Vous en connaissez certains: Emile Guimet, Siegfried Bing ou encore Georges Labit, qui ont laissé leurs collections pour le plus grand plaisir de nos yeux.
Bien d’autre voyageurs, collectionneurs, artistes, photographes... partent à la découverte de ce pays à la fin du 19ème siècle.
Certains peintres occidentaux, eux-mêmes n’ont pas résisté à la tentation de reproduire ces somptueuses robes japonaises. Je pense aux aquarelles de Gustave Moreau, à Claude Monet, qui a peint Mme Monet dans un somptueux kimono uchikake (打掛) rouge...
Nous ne pouvant qu’être fasciné par ces motifs, ce toucher, ces tissages délicats.
L'élégance du kimono provient non pas de la forme mettant en valeur le corps, mais des motifs qui le décorent. Au fil du temps, toutes les influences artistiques se sont retrouvées au niveau des motifs de kimono.
Offrant de vastes surfaces pour décorer la soie, les peintres japonais ont créé des catalogues de décors pour kimonos, permettant à la dame japonaise de choisir le motif à peindre sur la soie de son précieux habit.
Les motifs japonais sont parmi les plus beaux du monde. Ils sont fascinants et exercent une attraction bien connue.
De plus, ils représentent un aspect spirituel et symbolique. Chaque motif a traversé les siècles et est porteur de sens. Pour moi, le kimono est un véritable ouvre d’art à porter.
Le kimono est traditionnellement fabriqué à partir d’une seule longue pièce de tissu appelée tanmono (反物, 0.38 x 12.5m) coupée en rectangles. Ces rectangles de tissus sont ensuite pliés et cousus ensemble, mais jamais recoupés.
Cette manière de fabriquer un kimono le rend très facile à ajuster et redimensionner. Cela permet également de réutiliser le tissu d’un kimono. Ainsi, il est fréquent qu’un kimono soit transmis de génération en génération.
De plus, le kimono ne tient pas compte de l’anatomie. Sa largeur et sa longueur permettent des variations de poids et de taille sans retouche.
Il existe plusieurs types de kimono que l’on porte selon les degrés de formalité, adaptés à la circonstance.
Du formel à l’informel, avec des motifs sur toute la surface, seulement sur la partie inférieure, voir sans motif, kimono de mariage, kimono de deuil...
Les différents types de kimono
Irotomesode (色留袖)
Irotomesode est un type de kimono semi-formel, de couleur, sauf le noir. Iro (色) signifiant la couleur.
Les motifs décoratifs figurent sur la partie inférieure uniquement et il est porté par les femmes mariées et célibataires.
Il peut comporter un, trois ou cinq kamon, emblèmes familiaux blancs ou brodés.
Lorsqu’il comporte cinq kamon, il sera considéré comme formel.
Au cours d’une cérémonie de mariage, il est porté par les sœurs célibataires des mariés et par leurs parentes, par exemple.
Irotomesode convient également lors de soirées ou de cérémonies du thé exceptionnelles.
Kurotomesode (黒留袖)
Kuro 黒signifiant noir, c'est un kimono noir avec des motifs seulement au-dessous de la taille.
Le kurotomesode est le kimono le plus formel pour les femmes mariées. Il est porté lors des mariages par les mères des mariés.
Kurotomesode est ponctué par 5 emblèmes familiaux blancs, appelés kamon (家紋), placés traditionnellement entre les omoplates, sur les deux manches, et à l’avant de chaque côté sur le haut de la poitrine.
Il est principalement coordonné avec une ceinture de type Fukuro dont je parle plus bas.
Hômongi (訪問着)
Hômongi signifie «vêtement de visite».
Les motifs de kimono de type hômongi sont le plus couramment disposés sur les manches et le bas du vêtement, constituant un ensemble harmonieux et ininterrompu sur toute la partie inférieure de celui-ci.
Autrefois, le kimono hômongi était orné de 3 blasons familiaux, mais de nos jours il est remplacé par un seul emblème au milieu des omoplates ou en est complètement dépourvu.
C’est le kimono habillé, semi-formel que les femmes mariées ou célibataires portent à l’occasion du mariage d’un(e) ami(e), d’une cérémonie du thé, d’une soirée, etc.
Tsukesage (付け下げ)
Le kimono de type tsukesage est parfois difficile à distinguer du hômongi qu’il peut remplacer.
Il peut être porté à l’occasion d’événements moins conventionnels, là où le hômongi serait trop habillé.
Les motifs, parfois absents au niveau de l’encolure, restent plus discrets et n’offrent pas cette unité harmonieuse ininterrompue sur le bas du kimono comme c’est le cas pour le hômongi.
Komon (小紋)
Littéralement komon signifie «petit motif», il n’est pas nécessairement petit, juste répété.
Ce terme s’applique aux kimonos avec une impression de motifs couvrant toute la surface du kimono.
Un kimono de type komon n’a pas besoin de blason de famille puisque ce n’est pas un kimono formel.
Il est considéré comme un type de kimono informel, décontracté et peut être porté en ville, en promenade, au restaurant...
Furisode (振袖)
Furisode se traduit littéralement par «manches flottantes». C’est le kimono le plus formel pour les femmes célibataires.
Il se caractérise par ses longues manches flottantes qui produisent un effet très gracieux.
Ce vêtement de cérémonie est porté par les jeunes femmes lors d’événements tels que le jour de la fête de la majorité, qui est à l'âge de 20 ans au Japon, lors de la remise des diplômes universitaires, les mariages, les soirées...
Yukata (浴衣)
Il y bien d’autres types des kimonos, mais s’il y en a un, avec lequel un voyageur au Japon se familiarise facilement c’est le yukata.
Littéralement «vêtement de bain», le yukata est un vêtement informel, sans doublure, fait de coton habituellement, mais aussi de lin ou de chanvre.
Il est aussi bien porté par les hommes que par les femmes. Dans les auberges traditionnelles ryokan旅館, il est mis à la disposition de la clientèle ainsi que dans les établissements de cures thermales, les onsen.
A l’époque Heian (794-1185), ce vêtement désignait un kimono d’été en tissu fin et léger dont les nobles se drapaient à l’entrée et au sortir du bain.
Les guerriers du Moyen-Age le portaient en sous-vêtement et finalement, le yukata se popularisa au cours de la période d’Edo (1603-1868) pour devenir un vêtement à part entière.
De nos jours, le yukata est porté à l’occasion des festivals en été, que l’on appelle les matsuri (祭り).
Peut-être c’est justement au moment des matsuri que vous avez rencontré des Japonais vêtus dans cet habit léger...
Depuis peu, les motifs des yukata sont devenu très variés et colorés, les impressions florales sont de toute beauté. Sans parler du langage des fleurs que transmet la personne qui le porte.
Si vous souhaitez découvrir le charme de la culture traditionnelle japonaise à travers ce vêtement, facile à porter, pour les hommes comme pour les femmes, je vous propose de vous présenter quelques motifs traditionnels.
Les motifs des yukata
Seigaiha (青海波), motif de vagues
Ce motif représente les vagues en haute mer stylisées en forme d’éventails.
Son nom provient de l’ancienne danse de cour appelée Seigaiha dans laquelle les danseurs portent des costumes ornés de ce motif.
Yabane (矢羽根), motif de flèches
Ce motif est basé sur les plumes de faucon et d’aigle qui étaient utilisées pour les flèches, longtemps considérées comme des objets de bon augure.
Asanoha (麻の葉), motif de feuilles de chanvre
Le chanvre pousse avec vigueur sans nécessiter beaucoup de soins et représente le symbole de la vitalité.
Les tissus des kimonos sont variés, comme la soie, le lin ou la ramie..., et les modes de tissage sont nombreux également: taffetas, chirimen (縮緬) ou crêpe de soie, gaze, sergé, pongée, rinzu (綸子) ou soie damassée et bien d’autres.
Le choix des tissus et des motifs permet de réaliser des kimonos adaptés aux saisons. La soie restant l’étoffe privilégiée pour leur réalisation.
Tous ces détails, et bien plus, vous les trouverez dans mon livre où 3 arts se rencontrent:
- Kitsuke: l’art de se vêtir d’un kimono
- Origami: l’art du pliage du papier washi
- Haiku: poèmes japonais en 17 syllabes
Kitsuke (着付け)
Le Kitsuke est l’art de se vêtir et de porter un kimono sur soi.
Au Japon, l’ajustement d’un kimono se fait essentiellement par pliage et superposition, comme pour l’origami, tant de pliages et de nœuds qui constituent la principale complexité du kitsuke.
La personne «construit» son vêtement au fur et à mesure de l’habillage.
Ohashori (おはしょり), ce petit pli sur le kimono autour de la taille, réalisé lors de l’habillage permet ajuster sa longueur.
Le kimono se porte toujours côté gauche sur côté droit car auparavant cela permettait d’une part, de cacher une arme et d’autre part, les défunts sont habillés en croisant le kimono dans le sens inverse.
Komono (小物)
De nombreux accessoires, en grande partie invisibles, sont utilisés pour mettre en place le kimono. On les appelle komono.
Komono signifie littéralement «petite chose». Parmi les nombreux komonos, il y a les différents sous-vêtements directement au contact avec la peau qui se portent sous le kimono.
Hadajuban (肌襦袢)
Hada (肌) signifie «peau». C'est une pièce de vêtement en coton qui se porte à même la peau dont le rôle principal est de protéger le kimono et le sous-kimono de la sueur.
Nagajuban (長襦袢)
Le nagajuban est un sous-kimono avec le col intégré, appelé eri (襟), qui sera visible sur le devant lorsque l’on porte le kimono.
Au-delà du rôle esthétique, le eri permet de protéger et préserver le col du kimono.
Il y bien d’autres petits accessoires visibles ou invisibles, cachés sous le kimono et je vous laisse le plaisir de les découvrir dans mon livre.
Une fois le kimono mis en place, c’est la largue ceinture appelée obi que l’on va nouer par-dessus le kimono, afin de le maintenir en place.
Avec le kimono, ce sont les deux éléments indissociables du costume traditionnel japonais.
Les ceintures du kimono
Il existe une variété de ceintures, parmi lesquelles je voudrais vous en présenter deux, qui sont porté le plus souvent.
Fukuro obi (袋帯)
Le fukuro obi est la ceinture qui fait plus ou moins 4 m de long.
Seule la face extérieure de cette ceinture est décorée sur 60% de sa surface, afin d’alléger le obi et de le rendre plus facile à nouer.
C’est une ceinture formelle, qui se porte essentiellement à l’occasion de cérémonies et de soirées.
Nagoya obi (名古屋帯)
La ceinture de type Nagoya obi apparaît à la fin des années 1920 à Nagoya, plus simple, plus légère et plus pratique à nouer.
Une partie de la ceinture est pliée en deux et cousue sur la longueur.
Cette portion plus étroite s’enroule autour de la taille alors que la partie plus large sert à former le nœud placé dans le dos.
Sa forme a été conçue pour faciliter le Ô-taiko musubi, un noeud en forme de tambour, très populaire au Japon.
Nœud «tambour» O-taikô (お太鼓結び)
Le nœud O-Taikô, signifiant Tambour, est une variante d’un nœud utilisé par les hommes, noué avec une ceinture plus courte et plus étroite.
Ce nœud est devenu si réussi qu’il est aujourd‘hui l’un des nœuds les plus populaires, porté par des femmes de tous âges.
Il y a environ 200 ans, dans le jardin du sanctuaire Kameido Tenjin à Edo, actuelle Tokyo, lors de la cérémonie d’inauguration du pont, «taikô», une geisha (femme pratiquant les arts traditionnels) avait noué son obi dans une forme qui devait évoquer et célébrer l’atmosphère du paysage du pont en forme de tambour.
Elle utilisa makura (枕), littéralement «l’oreiller», un accessoire qui sert à soutenir et à donner du volume au obi noué dans le dos.
C’est l'obijime (帯締め), l'ultime cordelette en soie qui est noué en dernier.
Cet accessoire indispensable au bon maintien d’un obi est aussi un élément décoratif important de par la touche de couleur apportée à la tenue.
Il attire particulièrement le regard car il est situé au milieu de la silhouette.
Ainsi, le simple fait de changer la couleur de cette cordelette permet de varier l’ambiance de l’ensemble kimono-obi.
Au rythme des saisons, la flore se métamorphose, les fleurs éclosent, un bourgeon s’épanouit tandis que les feuilles d’un arbre se meurent...
La nature est une grande source d’inspiration pour les artistes japonais qui continuent la recherche de nouvelles techniques, réinventent les anciennes, poursuivent leurs recherches sur les couleurs végétales, tissage, broderie pour perpétuer cet art, qui nous procure la même émotion et le même émerveillement comme pour les premiers occidentaux qui découvrirent ce pays fascinant.
«sur ma peau brodée, un papillon et une fleur
enfin le Printemps»
Pour en savoir plus sur les kimonos:
Son premier livre « KIMONO, sentir la saison sur soi’e » est disponible dans les librairies des musées d’art asiatique (Guimet, Quai Branly, Musée d’Art Asiatique de Nice, Georges Labit...) ainsi que dans les librairies spécialisées, comme la librairie japonaise JUNKU.
Les traductions anglaises et espagnoles seront disponibles sous peu.
Anita Henry
Conférencière et collectionneuse privée de kimonos, je travaille auprès des Musées de France, notamment, où je propose de partager ma passion du Japon, lors des conférences, mais aussi au moment des atelier de Kitsuke.
Pour chaque atelier, je permet aux participantes de choisir un des kimonos de saison de ma collection, et je les aide à se parer de ces beaux tissus qui ne tiennent que par une large ceinture de quatre mètres de long et de nombreux accessoires.
C’est un moment précieux, hors du temps, hors de l’espace.
Mes kimonos font régulièrement partie des expositions sur le Japon, sur le textile et la soie.
Les derniers articles par Anita Henry (tout voir)
- Kimono: vêtement ou... objet d’art? - 1 mai 2021
Merci pour cette vidéo très intéressante.