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Kazami, brise charmante
Kazami, brise charmante

Livre: Kazami – Brise charmante

L’idée d’écrire Kazami m’est venue au lendemain des attentats de Paris, lors desquels un ami a été blessé et une connaissance a perdu la vie. Tandis que je posais une gerbe devant le Bataclan, mon regard a croisé celui d’une Japonaise. Sa grâce naturelle, son côté exotique, contrastaient curieusement avec l’idée de mort qui se dégageait de cet endroit. J’ai alors eu envie de me pencher sur la notion de disparition , vécue si différemment par les bouddhistes.

Je me suis appuyé sur mon étude approfondie des œuvres de Mircea Eliade, grand historien des religions, expert du bouddhisme. J’ai ensuite entrepris un travail de documentation très poussé sur la culture japonaise: non seulement son histoire, mais aussi sa littérature, son cinéma, ses estampes, ses mangas et ses haïkus. Le coup de cœur d’origine s’est peu à peu transformé en une véritable histoire d’amour. J’ai découvert des univers insoupçonnés, une culture riche, si différente de la nôtre et pourtant nourrie de tropismes évidents.

Différences entre l’Est et l’Ouest. Plutôt deux mondes qui se complètent, aux similitudes surprenantes. Par exemple, le Japon partage la même passion pour la gastronomie que la France. Mais la pratique culinaire est bien distincte. Passion commune, expérience différente: prélude a une rencontre enrichissante.

Kazami - Brise charmante, Geisha

Synopsis: comme je ne souhaitais pas faire uniquement un roman historique, je l’ai situé dans le futur. Suite au réchauffement climatique, l’humanité s’est réfugiée au-delà de l’Arctique. Jusqu’à ce qu’une bouteille, contenant un message et le portrait d’une jeune fille, ne vienne s’échouer sur les rivages, on n’imaginait pas que le Sud ait accueilli des survivants. Sur l’île d’Hokkaido s’étaient réfugiés les Japonais qui avaient recrée la société des samouraï de l’époque Edo. Gary, l’homme du Nord, surmontant une à une les épreuves, se met alors à la recherche de Kazami, la jeune fille au visage de manga. Kazami que le malheur a frappé est la personnification de la grâce japonaise. Intelligente et courageuse elle lance un dernier cri de désespoir sous la forme d’un message. Elle fera preuve par la suite d’une fidélité à toute épreuve.

Les personnages: Gary, qui sera rebaptisé par le daïmio Morio Akinori – Voie lumineuse – est un jeune étudiant du Nord. Il vit en Alaska, où sa famille s’est établie pour échapper à la catastrophe écologique. Il est jeune, spontané, un peu insouciant, mais en découvrant la bouteille échouée sur la plage, il est saisi d’une détermination insoupçonnée. À l’instar du 18ème siècle, quand on tombait amoureux des portraits de «promis», peints sur la porcelaine, Gary éprouve un coup de foudre pour Kazami, et veut à tout prix la rencontrer.

Les flash-back culturels que j’ai introduits dans le récit font partie de l’imaginaire japonais. Ils jaillissent pour mieux éclairer le comportement des personnages. J’ai puisé, pour ainsi dire, dans la pureté du geste, celui qui a créé la calligraphie, le haïku et le coup de katana parfait, pour en restituer un fragment de l’âme nippone. Kazami en vraie geisha accomplie, même si tel n’était pas son choix, contribuera à l’initiation de Gary, qui, malgré les épreuves, découvrira ainsi le raffinement de la culture japonaise. Les épreuves, en effet, ne manqueront pas: devant Gary se dresseront des obstacles, rappels du côté obscur que chacun porte en soi. Pourtant à la fin, et je n’en dis pas plus, on comprendra qu’autant de cruauté n’est possible que suite à l’artifice humain.

Kazami, roman d’amour et d’aventure, se veut à la fois une introduction à la culture nippone et un questionnement sur l’avenir de l’humanité. Saurons-nous nous garder de la tentation du retour au passé, perçu comme meilleur? Éviterons-nous de tomber dans le piège de la confiance aveugle en un futur incertain? Saurons-nous préserver ce qui demeure notre âme collective, sans détruire notre capacité à comprendre l’Autre? Cette altérité qui, finalement, nous renseigne plus sur nous-mêmes, en complétant notre humanité; cette Altérité sans laquelle on a tous, quelque peu, la vue voilée.

Kazami est disponible en Format papier broché format papier broché et Kindle e-Book.

Chapitre 1. L’amour se nourrit de ce qui semble d’abord impossible

Depuis ce jour où il avait trouvé la bouteille sur la plage, son esprit n’était plus en repos. Chaque soir, il élaborait de nouveaux projets. Il avait à jamais gravé en mémoire le lieu où il l’avait, pour la première fois, aperçue. Désormais, à chaque promenade, il s’arrêtait un long moment comme pour revivre ce moment. Cet instant précis prenait des significations de plus en plus profondes. Des questionnements lancinants. Qui avait bien pu la lancer? D’où? À quel effet? Les caractères indiquaient qu’il s’agissait d’une langue asiatique qui lui restait tout à fait sibylline.

Il vivait sur la côte étroite d’Alaska là où la terre semblait ne faire qu’un avec l’océan. Au sud la chaleur extrême avait rendu impossible toute forme de vie. Mais cet objet-là trahissait cependant une présence humaine. Et elle ne pouvait qu’être dans le Sud.

Message dans une bouteille

C’était une bouteille de verre transparent, de forme ovale. À l’intérieur, un texte et le dessin d’un visage. Un visage de femme. D’une très belle jeune femme. D’une femme semblant sortie d’un manga. La parfaite symétrie de ses traits et ses yeux en amande soulignaient encore plus la douceur qui s’en dégageait. Dans une douce harmonie, ses yeux exprimaient à la fois détermination et tristesse.

Instantanément, il était tombé amoureux de cette image. De manière intuitive, il sut qu’il partirait à sa recherche, et cette certitude lui suffit pour le moment: puisque la bouteille lui était parvenue, il pourrait toujours faire le voyage de retour. Peu importait la distance.

Depuis cette trouvaille, chaque jour, il observa la surface de l’océan et chaque jour lui apportait la confirmation qu’un courant très fort, un Gulf Stream était visible au loin. En allant jusqu’à l’île d’Attu, la plus à l’Ouest, il pourrait acquérir une embarcation. Et de là atteindre le courant encore plus facilement. Il notait les vents favorables, les marées et les cycles lunaires, et tout lui fut encouragements. Il avait aussi appris que les pêcheurs des îles Aléoutiennes descendaient de plus en plus loin vers le sud. Il fallait se décider à partir et se lancer dans l’aventure. Voir la fille au visage manga.

Un mur de silence avait coupé toute communication entre le Nord et le Sud, rendant tout voyage difficile. D’après ses premières estimations le courant devait se diriger vers le Japon. Supposé inhabité, c’est par des chemins détournés que son existence avait été certifiée. Réfugiés en Sibérie, les Russes avaient constaté, à leurs dépens, que les quelques explorateurs s’étant aventurés sur les côtes d’Hokkaido avaient disparu. On les disait pris en otage. Le Japon resta muet face aux protestations officielles. Telles étaient les quelques explications qu’il avait réussi à glaner dans un vieil article de journal.

L’ Alaska était, depuis longtemps avec le nord du Canada et le nord du continent eurasiatique, le lieu de refuge de toute la population de ce qui fut avant les États-Unis d’Amérique, l’Europe et la Russie. La catastrophe avait donné lieu à des pertes humaines colossales. Anchorage était la capitale de cette Fédération de rescapés. Gary prit rendez-vous à la mairie de son arrondissement. Le bâtiment était en marbre blanc avec des toits bleu ciel.

Il rencontra la responsable en relations publiques, une dame athlétique et maquillée avec soin. Il présenta son plan:

– Je suis étudiant et je voudrais effectuer une navigation en solitaire vers le sud.

Son visage à elle exprimait l’incrédulité.

– Pourquoi en solitaire? Pourquoi vers le sud?

– J’ai essayé de persuader des amis, mais, pour diverses raisons, aucun ne s’avère disponible. Vers le Sud car c’est là que vit une très belle femme que je souhaite rencontrer.

Elle ne fit aucun cas de ce qu’il venait de dire et lui lança:

– Vous savez, j’espère, qu’on ne peut pas aller au-delà du quarante et unième degré. Plus loin les risques sont mortels.

– Ce que j’ai cru comprendre avant de recevoir ce message.

Colombie Britannique

Il lui montra l’objet de toutes ses rêveries.
La fonctionnaire en charge de la relation avec le public s’en étonna. Gary lui expliqua les conditions de sa découverte et ses observations quant au courant marin.

– En effet, c’est curieux. Donc, vous voulez atteindre les côtes japonaises. Désormais une énorme appréhension se lisait sur son visage.

– C’est cela, répondit Gary.

– Je vous le déconseille vivement. Le gouvernement japonais est devenu intraitable, et tout contact avec lui est suspendu, depuis des générations. La position officielle est très ferme: vous ne devez pas y aller.

– Ma décision est prise. J’irai, dit-il résolument et calmement.

– Je vais informer mes supérieurs, mais sachez que le gouvernement ne prendra jamais le risque de financer une telle entreprise.

– Auquel cas, je m’autofinancerai lui lança Gary en souriant.

Il fallait donc se débrouiller seul, se dit-il. Une période de collecte de fonds et d’informations commença. Il avait fouillé les archives à la recherche du moindre indice sur ce pays entouré d’eau. Mais il voulait entendre le récit d’une expérience concrète. Sa persévérance paya, si bien qu’il parvint à prendre contact avec un pêcheur qui lui raconta que oui ! c’était une folie de se lancer dans une telle aventure. Que oui ! au-delà du quarante et unième degré les dangers de déshydratation étaient majeurs. Que oui ! il avait entendu des pêcheurs disparus derrière le rideau de feu du Sud.

Geisha jouant du shamisen
Geisha jouant du shamisen

– Mais alors qu’en est-il de ce courant marin que j’ai vu de mes yeux? Si fort qu’à lui seul, il peut nous transporter.

– Personne ne s’aventurerait dans le Sud. Il faut savoir que les tempêtes tropicales sont continues. Impossible de naviguer, encore moins voler en avion.

Gary avait prévu cela. Il sortit triomphalement la bouteille.

– Cette bouteille est arrivée pourtant à bon port. Elle a navigué jusqu’à nos côtes.

Le pêcheur la prit entre ses mains et, d’un œil expert, la tourna de tous côtés. Il cherchait un indice.

– C’est vrai, elle est restée longtemps dans la haute mer. Le temps d’accumuler une fine couche verte. Mais c’est un objet, et toi, tu es vivant. Tu peux dans le meilleur des cas dériver dans les limbes pour une durée indéterminée. À quoi bon atteindre les côtes japonaises?

– Je suis résolu d’y aller. L’eau tempérée descend de l’Arctique en ligne droite. J’ai calculé: le courant se dirige vers le sud-ouest. J’ai estimé sa vitesse. Il atteint nécessairement le Japon avant de se perdre dans la fournaise du Sud.

– Moi je pense que le courant accumule rapidement de la puissance. Et tu risques d’être aspiré dans l’immense tourbillon du Pacifique avant que de mourir de chaud. Je ne peux que te recommander de changer d’avis avant qu’il ne soit trop tard !

– Mais il est déjà trop tard. Ma décision est prise. Je partirai.

Il ne put s’expliquer la véritable raison de sa résolution, mais d’une manière évidente tout était à présent clair. Toutes ces mises en garde ne faisaient que le conforter dans sa décision. Si ces oppositions le stimulaient, elles l’obligeaient aussi à la vigilance. Il ne voulait ni se tromper de chemin ni manquer de rencontrer le mystérieux personnage de Manga. Il redoutait cette éventualité encore plus que la mort.

Mais qui était cette fille et que contenait le message? Il débusqua péniblement quelques étudiants en langues asiatiques, qui parvinrent à le déchiffrer. Aidés de l’application de traduction, ils procédèrent à un reverse engineering. Partant de la langue parlée au vingt et unième siècle par des inférences successives, ils en arrivèrent à avoir l’évolution de la langue actuelle. Le message restait inintelligible, mais ils comprirent bientôt qu’il était écrit en japonais ancien. Celui de l’époque d’Edo plus précisément.

Le message était le suivant:

«Bonjour à toi inconnu. Je suis Kazami et je vis dans le fief du daïmio Morio dans le royaume sacré du soleil levant. Ma destinée fut dessinée avec beaucoup de peine. Mes parents ont effectué de mauvais choix et je fus placée dans une grande maison. Pourtant, je suis une esclave heureuse. Je dois reconnaissance éternelle à mes maîtres qui ont autorisé mes parents à mourir par seppuku, faisant ainsi d’eux l’égal des dieux. Ils vivent dans les plaines de l’éternel bonheur. Devant la mer infinie, réputée vide de toute présence humaine, je m’interroge. Car hier j’ai vu quelque chose de surprenant. Pendant la fête d’Obon, un homme blond aux yeux bleus comme l’azur était exposé à la foule. Blanc, tel un fantôme. Pourquoi alors nous prétendre les seuls survivants? Animée d’une impulsion subite, j’ai décidé de lancer cette bouteille de toutes mes forces dans la mer. J’ai profité d’un moment d’inattention de ma maîtresse, qui s’était endormie sur un tatami dans son joli kimono fleuri après un pique-nique au bord de la mer. J’ai dessiné mon autoportrait et j’espère que tu ne considéreras pas cela inconvenant. J’habite au Kushiro dans le quartier *** , et ma maîtresse s’appelle***. C’est à peu près tout. J’espère que ta vie est douce, et ta destinée heureuse. Sayonara, Kazami.»

Combat de samouraï

La lettre à la main il resta un moment à s’interroger. Son style exprimait une candeur inhabituelle. Les références culturelles lui paraissaient étranges.

– Daïmio, fief, qu’est-ce que cela veut dire? demanda-t-il à son ami.

– On dirait le langage du seizième siècle. Vous savez les films de Mizoguchi et tout cela. Corroboré par les idéogrammes de l’époque.

– Moi il me fait penser à l’adaptation d’un conte comme «L’intendant Sansho» où une famille suite à l’exil du père est traîtreusement vendue par des marchands d’esclaves. Le frère réussit à s’enfuir et à prouver sa descendance noble grâce à une statuette bouddhiste ancienne, cadeau du roi.

– Ça y est, je me souviens: le daïmio était une sorte de noble dans le Japon ancien. Daïmio veut dire «grand nom.» Il avait autorité sur un territoire et avait des samouraï à sa solde. Il était soumis au Shogun, le grand général des armées qui représentait l’autorité royale, souvent faible… .»

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Aurélien

Né en Transylvanie, il est acteur de la révolution de 1989. Il traverse ensuite l'Europe, pour s'embarquer sur le premier navire: cap sur le Nouveau Monde. De retour en France, il entame des études à la Sorbonne, il travaille pour une compagnie anglaise et il lance ensuite une start-up. Suite à cette expérience, Aurélien a publié AnonymX, un roman futuriste.

Kazami est son deuxième roman, fruit d'une documentation intense sur le Japon et surtout d'un amour illimité pour sa culture si raffinée.

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  1. Kazami est un roman déroutant et prenant. Déroutant, car il nous fait perdre nos repère de temps, nous plongeant dans un futur qui ressemble au passé, et dans lequel on se laisse porté avec bonheur.
    Prenant, car il nous plonge dans Japon ancien souvent méconnu, servi par une grande richesse de détails, qui donne beaucoup de réalité au récit.
    Un excellent rythme, du suspens, pour une fresque dépaysante.

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